samedi 28 novembre 2015

Travaux divers pendant l'été

Ah, l'été, quand chantent les cigales sous les oliviers millénaires et que les glaçons prennent des bains de pastis à heure fixe dans la torpeur mordorée du crépuscule... Ou, pour ceux qui ont choisi des vacances actives, quand la paille d'acier sochalienne délogée de sa gangue de cambouis tombe dans l'iris écarquillé du mécanicien d'opérette.

On l'aura compris, l'été 2015 a été consacré à une sévère remise à niveau de la 504, qui pour avoir passé le contrôle technique, n'en était pas pour autant aussi fringante qu'au premier jour. Première inquiétude, les pneus qui m'avaient été livrés avec la voiture en décembre 2011: ils étaient d'une marque improbable, certains à structure sans doute pas radiale, et de tailles dépareillées, en largeur 195 malgré une section de jantes insuffisante puisque la taille d'origine homologuée sur des jantes de cinq pouces de large est de 175/80. Bref, je suis monté en gamme avec l'acquisition de jantes alu en étoile à huit branches de type de celles qui équipaient les 504 coupé et les 505 turbo (ci-contre à droite). C'est une légère entorse à l'origine, car ces roues n'ont jamais été montées sur les berlines 504, mais elles restent d'époque et permettent, grâce à leur largeur plus importante de six pouces, de chausser des pneus 195 en toute quiétude. En plus, ce sont des diamètres 15 pouces au lieu des 14 d'origine, et les pneus sont donc de taille plus basse, gage d'une meilleure tenue de route. J'ai trouvé quatre Michelin 195/65 à un prix correct en centre auto. Seul bémol, il a fallu investir dans des écrous coniques spéciaux.

Autre problème à régler d'urgence: le bruit. Comme j'en ai fait l'expérience lors des 600 km de voyage l'hiver dernier, la 504 ronflait très fort à haut régime, la faute d'une part à un filtre K&N fixé en lieu et place de l'élément d'origine, et d'autre part à un pot d'échappement de toute évidence plus du tout étanche. La fuite a été localisée sur le silencieux central, pas une mince affaire à dessertir sans pont levant ou fosse de vidange, mais il a fini par avouer (photo)!


Et l'examen du bestiau a permis de détecter une précédente réparation au "syntofer" (soudure à froid). Il était temps de trouver un remplaçant. Après avoir isolé un numéro de série sur le pot (photo de droite), j'en ai commandé un autre chez un revendeur par internet, et miracle, il s'agissait du même. Avec une petite nuance: le tuyau était bien plus court, et il a fallu improviser. Heureusement, un ancien tube d'aspirateur en bon acier traînait dans l'abri de jardin...

Je pensais que dans cette remise à plat des fondamentaux, les vidanges et les filtres ne constitueraient qu'une formalité. Grossière erreur! La référence sur le filtre à huile soi-disant "Bosch", par ailleurs semble-t-il monté en force, renvoyait vers des sites indonésiens. Les conseillers les plus chevronnés du grand distributeur de pièces d'entretien de ma région ont déclaré forfait après avoir examiné tous leurs catalogues à la loupe (leurs yeux ronds quand je leur ai parlé d'une 504 diesel venue des Etats-Unis!).

Finalement, à l'issue de tâtonnements, j'ai trouvé une correspondance sur internet, qui a fait l'affaire. Après consultation d'amateurs de Peugeot aux Etats-Unis, il semble que le problème d'identification vienne du fait que le montage du filtre est différent entre la 504 et la 505 diesel (pourtant équipés du même moteur) et que ma 504 a reçu le système de sa descendante. Bref, le détricotage de 35 ans d'aventures mécaniques américaines de cette Sochalienne expatriée risque de nous réserver encore quelques surprises.

Le fait d'avoir accès aux pièces détachées européennes a quand même du bon: là encore, après une longue enquête dans les recoins les plus sombres du Web automobile un filtre à air d'origine, dans son beau cylindre de tôle, a remplacé le montage sauvage venu d'outre-Atlantique. C'est grâce aux dimensions que je l'ai isolé entre plusieurs références, aucune de 504: il s'agit du même que sur les Citroën C25 (?!) L'huile n'a en revanche pas posé de problème, et de la belle 15W40 lubrifie le bloc avec entrain.

Le moment le plus nostalgique s'est produit lorsque j'ai remplacé les plaques "historiques" du Maryland par de réglementaires identifications françaises. On pourrait disserter sur l'esthétique supérieure des plaques américaines (et encore, celles de notre ancien Etat d'adoption figurent parmi les moins attrayantes). Mais j'ai profité du fait qu'en France, les plaques argentées sur fond noir sont encore autorisées pour les véhicules en carte grise collection pour m'en offrir une paire.

Et sous le beau soleil de l'Ouest, la 504 anciennement yankee présente plutôt bien, non?
Malgré ces progrès estivaux, il reste encore pas mal de travail sur la voiture, à commencer par le gros point noir des essuie-glaces toujours inopérants. Impossible jusqu'ici de trouver d'où vient le problème: le moteur est bon, le commodo aussi, les contacts corrects. Il reste la possibilité d'un relais défaillant. Les portières s'avèrent aussi capricieuses, et s'ouvrent quand bon leur chante. Seule celle du conducteur a l'air de bien vouloir fonctionner en permanence. Et il va aussi falloir s'intéresser à la rouille qui ronge l'entourage de plaque arrière, ainsi qu'à la carrosserie enfoncée en plusieurs endroits. A suivre donc!



jeudi 26 novembre 2015

Lionne - bureaucratie: 1-0

La 504 yankee est désormais autorisée à dévorer le bitume hexagonal. Mais cela ne s'est pas fait tout seul! Immatriculer en France une voiture importée en dehors des frontières de l'Union européenne nécessite en effet de rassembler une grosse pile de documents dûment tamponnés et certifiés, et un parcours du combattant bureaucratique. Et le fait que la voiture soit sortie en 1979 d'une usine franc-comtoise ne change rien à l'affaire: elle n'a pas été homologuée à l'origine pour rouler en France.

Arrivée en région parisienne à l'été 2014 via le Havre en provenance de Baltimore, la lionne a été admise sur le sol français à titre temporaire, munie de ses plaques américaines. Les douanes ont délivré un formulaire "846A", certificat de dédouanement, qui permet de circuler en France pendant trois mois. La voiture étant à mon nom depuis plus d'un an, je n'ai pas eu de droits de douane ni de TVA à acquitter, c'est déjà ça!

La suite des formalités s'est révélée moins facile. D'abord, il a fallu obtenir un contrôle technique valide. La 504 l'a réussi du premier coup, après quelques menues réparations. L'idée était de faire passer la voiture en carte grise normale, et je me suis rapproché de la DRIRE (ex-service des Mines) de mon département pour une réception à titre isolé. Mais il m'a été indiqué que ce service renvoyait les voitures de plus de 30 ans vers une autre filière, celle des cartes grises collection. Retour donc au départ. Dans ce cas, il faut envoyer à la Fédération française des véhicules d'époque (FFVE) une demande "d'attestation de datation et caractéristiques", en présentant le certificat d'immatriculation étranger, le certificat de cession (retrouvé de justesse chez l'ancien propriétaire, trois ans plus tard...), des photos de la voiture, du numéro de série et du moteur. Il ne reste plus qu'à signer un chèque de 60 € et à prier très fort... Par précaution, j'ai rajouté au dossier le certificat de conformité partiel obtenu de la maison-mère Peugeot spécifiant que des 504 avec moteur 2.304 cm3 et boîte automatique trois vitesses avaient été homologuées en France. Et miracle, un beau matin, j'ai reçu ça par la poste:

Je pensais voir le bout du tunnel. Que nenni. Un premier contact avec la sous-préfecture s'est soldé par une liste de documents à produire, parmi lequel "un quitus fiscal que vous demandez à votre centre des impôts qui justifie l'acquittement de la TVA". Je me présente donc au centre des impôts dès l'ouverture et la sympathique fonctionnaire qui me reçoit n'a aucune idée de ce que je demande. En fait, le fameux "quitus fiscal" est... le certificat de dédouanement 846A. Il fallait le dire!

Je me présente ensuite à la sous-préfecture, avec sous le bras les pièces suivantes:


- Formulaire cerfa 13750*05 (demande de carte grise)
- Certificat 846A des douanes
- Attestation FFVE
- Contrôle technique
- Preuve de domicile
- Pièce d'identité
- Certificat de cession
- Certificat de conformité partielle de Peugeot
- Un chèque en blanc

Une demi-heure de queue plus tard, dans le hall encombré et surchauffé de la sous-préfecture, c'est d'une main légèrement tremblante que je dépose la liasse de documents devant la préposée idoine. Et de fait, elle fronce les sourcils quand elle se rend compte que je suis en train d'importer une voiture française de 36 ans d'âge sur le territoire français, et qu'elle n'est pas aux normes françaises. Deux aller-retour sont nécessaires avec sa hiérarchie pour vérifier dans quelles cases administratives un tel spécimen peut rentrer. "Bon, ben je vais la prendre", finit-elle par glisser, presque dépitée.

Le reste n'est que félicité, ou presque. Un passage en caisse et, guillerette, une autre employée chargée d'annoncer les bonnes nouvelles s'exécute: "voici votre certificat européen!" Joie. La carte grise définitive arrivera en recommandé quelques jours plus tard.